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« Sois sage Ô ma douleur… » : vivre avec une endométriose.

Il y a plus de dix ans maintenant on me diagnostiquait une endométriose profonde située sur les ligaments utéro-sacrés, la vessie, le cul de sac de Douglas, le péritoine et l’appendice. J’emprunte souvent ces quelques mots à Baudelaire pour lui parler…

 » Sois sage, Ô ma douleur, et tiens toi plus tranquille »

Depuis, mon parcours avec la maladie a été traversé par de nombreux raisonnements, en couplant plusieurs approches naturelles et allopathiques, afin de pouvoir vivre au mieux avec. Et pourtant c’est de plus en plus dur… Le dernier diagnostic est tombé, on doit me pratiquer une ablation d’une dizaine de centimètres du côlon sigmoïde et une exérèse de toutes les autres lésions. Mais je ne veux rien lâcher, car je crois dur comme fer à l’échange entre nous, nous toutes, et aussi nous tous qui vivons avec la souffrance quotidiennement.

C’est d’ailleurs pourquoi je décide d’écrire aujourd’hui sur la douleur, et notamment la douleur physique. Frida Kahlo, une de mes peintres femmes préférées a passé une partie de sa vie d’artiste handicapée, à exprimer cette souffrance au fond d’elle-même . la colonne brisée frida kahlo 1944

Il y a une quinzaine d’années je disais préférer avoir une douleur physique plutôt qu’une douleur mentale. J’avais déjà, à l’époque très mal, mais la vingtaine me donnait des ailes et actuellement je ne ferai pas de hiérarchie entre les types de douleur. Les deux sont liées et quelqu’un qui va mal physiquement peut difficilement aller bien psychiquement. Ayant connu les deux avec pas mal de promiscuité, ni l’une, ni l’autre sont susceptibles d’être de bonnes copines et pour qui que ce soit.

« Vendredi, on m’a posé cet engin en plâtre. Depuis, c’est un vrai calvaire, comparable à rien ; je ressens comme une asphyxie, une douleur atroce dans les poumons et dans tout le dos ; quant à ma jambe, je ne peux même pas la toucher ; je ne peux presque pas marcher et encore moins dormir. » Frida Kahlo.

Savoir évaluer ce qui est supportable, ou ce qui ne l’est pas :

Lorsque vous allez à l’hôpital, on vous propose parfois d’évaluer la douleur que vous ressentez sur une échelle progressive qui va de 1 à 10. J’utilise d’ailleurs cette astuce avec mes élèves afin de leur faire prendre conscience de comment ils ont mal, s’ils peuvent supporter la douleur ou non. Le ressenti de chacun est tellement personnel, qu’à blessure égale, l’un va se tordre, tandis que l’autre dansera joyeusement une gigue. Le mental joue un rôle fondamental sur comment sera vécue la douleur.

Il m’arrive parfois d’approcher les 9/10. Je réserve le 10 pour les jours où je perdrai conscience véritablement pendant plusieurs minutes. Là je n’en suis qu’au stade où la douleur est tellement forte que je transpire, j’ai de la fièvre, je ne peux plus marcher, et aucune position ne me soulage. Seule une alimentation anti-inflammatoire, de la méditation et du yoga me permettent d’aller mieux.

Pour moi le temps lors des crises est extrêmement long. Je le vois comme un tunnel interminable, aux bords acérés contre lequel l’intégralité de la surface de ma peau, intérieure et extérieure, se frotte. Souvent je dis aux personnes qui ignorent ce que c’est que ce type de douleur, que l’on peut comparer les crises d’endométriose à un broyage instantané de toute la sphère pelvienne. On a trouvé dernièrement une lésion située au niveau du côlon sigmoïde, ce qui explique l’intensité des douleurs et l’impression que tous mes boyaux se tordent comme dans une machine à laver, notamment quand je vais à la selle, que ce soit pendant mes règles ou non. Cela dépend des moments et de ce que je mange.

Dans ces cas-là je suis bien contente de trouver une solution allopathique bien forte qui m’assomme. Durant le confinement ce fut tellement terrible que j’ai dû appeler le SAMU pour savoir ce que je pouvais prendre afin de me soulager. Je me suis aussi décidée à effectuer une demande de RQTH (reconnaissance de travailleur handicapé) auprès de la MDPH de ma région. J’ai aussi fait une demande d’ALD (affection longue durée) auprès de la sécurité sociale, mais elle a d’abord été refusée. Il ne faut pas hésiter à réitérer la demande, car bien que l’endométriose soit considérée comme HORS LISTE pour le moment, c’est en multipliant les demandes que le combat pourra être gagné.

Mais face à cette pathologie, nous sommes toutes différentes, d’autant plus que l’intensité des douleurs ne renseigne en rien sur l’étendue réelle de la maladie. C’est à vous, à toi, d’évaluer ce qui est tolérable ou non. Pas la peine de jouer les cadors trop longtemps si on a mal, ce n’est pas une compétition. Bien sûr ce n’est guère une vie de passer son temps à avaler des antalgiques, néanmoins ils sont parfois d’un précieux secours lorsque l’on a des obligations professionnelles, familiales, personnelles. C’est aussi pour cela que lorsque l’on sent que ce n’est plus supportable il faut savoir prendre en compte les outils et les aides que la société met à notre disposition. Récemment le gouvernement français a évoqué reconnaître l’endométriose comme ALD ( = affection longue durée), ce qui serait une vraie victoire pour toues les femmes souffrant de cette pathologie qui engendre des soins paramédicaux extrêmement couteux et non remboursés.

Il ne sert à rien de souffrir pour « le plaisir », et ce n’est pas un concours!

Je parle de l’endométriose, mais on ignore combien d’autres maladies aussi peuvent être profondément invalidantes. Dernièrement beaucoup d’associations se sont créées pour soutenir les femmes souffrant de la pathologie, et c’est une chance incroyable car je sais que, personnellement, leur travail m’aide beaucoup, mais n’oublions pas aussi les autres.

Lorsqu’on a une maladie chronique on est confronté à plusieurs problématiques :

La première : la non visibilité de la maladie

Bien souvent, on ne voit pas que vous avez mal. Pas de plaie béante, pas d’enflure particulière,surtout si la maladie se situe au niveau abdominale, les vêtements jouent souvent parfaitement leur rôle de cache-misère. Une personne souffrant de fibromyalgie, de fatigue chronique, de diabète… va souffrir dans tout son corps, mais on ne le saura que si elle en parle.

La maladie est donc invisible, surtout si vous ne souhaitez pas que l’on remarque que vous êtes malade pour ne pas recevoir des mots de compassion parfois purement de circonstance. Néanmoins ces mots peuvent aussi être reçus pour ce qu’ils sont.

Le handicap n’est pas décelable sur votre tête, même s’il est fort difficile de cacher que l’on a mal, si bien qu’il peut arriver parfois qu’on vous soupçonne de fabuler dans le seul but d’attirer l’attention. Il n’y a rien de pire que quelqu’un qui méprise votre condition physique, en croyant que ce que vous ressentez c’est du chiqué, tout simplement parce que vous n’avez pas envie que l’on vous prenne en pitié. L’entourage ne comprend donc pas toujours, et on passe pour quelqu’un qui abuse.

Et pourtant il y a des personnes qui cachent vraiment très bien qu’elles sont malades et on n’imagine pas du tout à quel point elles peuvent souffrir.

Le handicap invisible peut entraîner un grand sentiment de solitude face à la douleur et face aux multiples situations liées à la maladie.

La deuxième : l’accoutumance.

Le corps et l’esprit humain sont tout de même bien faits. Lorsque la maladie est chronique, même si elle peut avoir des poussées extrêmes de douleur, on s’habitue à avoir mal, tous les jours, avec très peu de temps de pause. Le problème avec cette habituation c’est que nous en oublions ce que peut être un seuil de douleur « normal », ou « acceptable » et nous en oublions ce que c’est que de ne pas avoir mal. Quotidiennement le corps se rappelle à vous, sans crier gare la maladie lui crache à la figure « t’inquiète pas mon pote, je ne t’oublie pas », et vous assistez à cette scène en étant spectateur et acteur du spectacle. On se laisse trimballer par les symptômes, on se résigne, au mieux on prend des médicaments s’ils fonctionnent encore, au pire on attend que ça passe en criant en silence.

La troisième : l’impuissance du corps médical.

Le corps médical n’a que très peu de cordes à son arc pour soulager la douleur des patient.e.s. J’ai compris avec le temps qu’il fallait coupler les disciplines entre elles pour obtenir un résultat satisfaisant. Je suis opposée à l’idée qu’il faille absolument rejeter l’allopathie et de ne jurer que par les « médecines douces » qui ne sont pas tellement des médecines mais plutôt des approches holistiques, à savoir complètes, de la personne humaine. Là où la médecine allopathique ne va s’attarder qu’à un symptôme et à soigner le symptôme, la naturopathie et la médecine traditionnelle chinoise vont s’occuper du terrain émotionnel de la personne, de son hygiène de vie, de ses habitudes alimentaires. Les deux sont complémentaires et j’ai vraiment pu l’expérimenter dans mon quotidien. Là où le corps médical est impuissants les « nature paths » (les chemins de la nature) sont une voie raisonnable qui apportent de l’aide . En toute logique, là où les approches naturelles ont leurs limites, elles se doivent de laisser la place aux approches médicales plus strictes.

Témoignage d’Élodie souffrant du syndrome d’Ehlers-Danlos

  • Depuis quand sais-tu que tu as une maladie chronique? Presque deux ans
  • Sur une échelle de 1 à 10 tu dirais qu’elle est invalidante à quel degré? 7/10
  • Quels sont les types de médicaments que tu prends pour lutter contre la douleur ou les symptômes de la maladie? A quelle fréquence? Tous les soirs pour une des maladies, du ropinirol (Antiparkinsonien dopaminergique). Pour l’autre il n’existe pas de traitement.
  • Quelle est ton expérience par rapport au corps médical? Il y a du bon et du mauvais. Avant que mon diagnostic soit posé, certains médecins me disaient que c’était dû au sport, d’autres que c’était psychosomatique, d’autres que c’était de la fibromyalgie, d’autres qu’ils n’en savaient rien… Jusqu’au jour où une microkiné topissime m’a dit d’aller voir une médecin en rééducation fonctionnelle en génétique qui a confirmé le diagnostic et qui du coup me suit depuis. Depuis, j’ai un très bon suivi avec ces deux médecins et aujourd’hui avec d’autres spécialistes.
  • As-tu déjà essayé des approches naturelles pour t’aider?Si oui, lesquelles? et ont-elles eu des effets? J’ai essayé l’homéopathie (aucun bienfait), la naturopathie (idem) , la microkiné a des bienfaits sur le stress, la cure a des bienfaits sur les sinusites, l’hypnose je commence tout juste, mais ça a l’air d’agir aussi, mais j’attends de voir dans le temps pour confirmer les bienfaits.
  • Comment vis-tu cette douleur au quotidien? Peux-tu décrire un peu ce que tu ressens? La douleur quotidienne est indescriptible et imprévisible. Le quotidien est donc compliqué car il y a des jours avec et des jours sans. Vivre avec cette maladie est compliqué pour l’entourage proche ( femme et enfants) qui subit au quotidien les sursauts de cette maladie qui évolue vite. Elle vous fait sans cette oublier des choses, vous fait perdre l’usage de vos jambes quand bon lui semble, vous provoque des douleurs en continu et vous fatigue sans cesse.
  • Est-ce que ton entourage est compréhensif?Penses -tu que la maladie peut amener à détériorer les relations? L’entourage lointain ne comprend pas cette maladie car elle est, comme ils disent, invisible. Vivant avec des douleurs depuis toujours vous avez une force phénoménale pour encaisser celle-ci, donc vous savez la camoufler. Pour ma femme et mes enfants c’est compliqué aussi.
  • Arrives-tu à parler de la maladie avec humour? Oh oui!! L’humour est une force, elle permet de dédramatiser les choses et nous fait prendre conscience qu’il y a bien pire.
  • Si tu devais dire quelque chose à la maladie, que lui dirais-tu? Tu peux pas être moins compliquée?? lol
  • Si tu devais dire quelque chose aux personnes qui n’ont pas de problèmes de santé grave ou chroniques, que leur dirais-tu? Carpe Diem.
  • Pour finir, lorsque ton moral est vraiment bas, à cause de la douleur, qu’est-ce qui t’aide à t’en sortir? Mes enfants, ce sont mes rayons de soleil, ils me donnent une force herculéenne.

Je vous invite à répondre à ces questions si vous souffrez vous aussi d’une maladie chronique invalidante.

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